Un entrepreneur en liquidation judiciaire peut agir en réduction d’une donation-partage

Malgré son caractère patrimonial, l’action en réduction d’une donation-partage est attachée à la personne de l’héritier. Ce dernier peut l’exercer même s’il est en liquidation judiciaire et alors dessaisi de l’administration et de la disposition de ses biens.

Le débiteur en liquidation judiciaire est, de plein droit et dès le jugement d’ouverture, dessaisi de l’administration et de la disposition de ses biens ; les droits et actions concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la procédure par le liquidateur judiciaire (C. com. art. L 641-9, I-al. 1).

Ce texte interdit-il à un entrepreneur individuel en liquidation judiciaire d’exercer une action en réduction d’une donation-partage dont il a bénéficié avec ses frères et sœurs ?

La Cour de cassation vient de répondre par la négative. La faculté d’agir en réduction d’une donation-partage est ouverte à l’héritier réservataire qui n’a pas concouru à la donation ou qui a reçu un lot inférieur à sa part de réserve (C. civ. art. 1077-1). Cet héritier étant libre, en fonction de considérations, non seulement patrimoniales, mais aussi morales ou familiales, d’exercer ou non l’action en réduction pour préserver sa réserve, cette action est attachée à sa personne et, malgré son incidence patrimoniale, échappe au dessaisissement prévu par l’article L 641-9 du Code de commerce, lorsqu’il est soumis à une procédure de liquidation judiciaire.

 

À noter : Solution nouvelle.

L’article L 641-9 du Code de commerce prévoit lui-même des limites au dessaisissement : notamment, le liquidateur judiciaire ne peut pas vendre les biens acquis au titre d’une succession ouverte après la liquidation judiciaire ou provoquer le partage de l’indivision successorale.

En outre, les tribunaux réservent au débiteur l’exercice de droits propres et des actions qui sont attachées à sa personne, même s’ils revêtent un caractère patrimonial. Par exemple, le droit que le débiteur locataire d’un local d’habitation tient, en cas d’adjudication du bien loué, de se substituer à l’adjudicataire, à défaut de convocation à la vente, lui est personnel (Cass. com. 31-5-2011 n° 10-18.311 F-D). L’est aussi le droit de préemption reconnu au titulaire d’un bail rural en cas d’adjudication du bien loué (Cass. 3e civ. 7-4-2004 n° 02-19.520 P). Le débiteur dessaisi peut intenter une action en divorce ou en fixation de la prestation compensatoire, ou y défendre (Cass. com. 16-1-2019 n° 17-16.334 FS-PB), agir en réparation de son préjudice physique et d’agrément résultant d’un accident (Cass. com. 17-4-2019 n° 17-18.688 FS-PB) ou encore demander l’autorisation judiciaire d’aliéner un bien qui lui a été donné avec une clause d’inaliénabilité dès lors que l’action est subordonnée à des considérations personnelles d’ordre moral et familial inhérentes à la donation (Cass. 1e civ. 4-7-2006 n° 04-12.350 FS-PB, 04-12.825 FS-PB ; Cass. com. 9-11-2004 n° 02-18.617 FS-PB).

La Cour de cassation se fonde ici à nouveau sur les considérations morales et familiales pouvant présider à l’exercice d’une action pour qualifier celle-ci d’action personnelle au débiteur, exclue de la compétence du liquidateur judiciaire.

 

Source : Cass. Com. 2-3-2022 n° 20-20.173FS-B

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