Tiers donneur (AMP) : données identifiantes et filiation adoptive

Cons. const. 9 juin 2023, n° 2023-1052 QPC Cons. const. 9 juin 2023, n° 2023-1053 QPC

Aux yeux du Conseil constitutionnel, les dispositions du code de la santé publique relatives à la communication de l’identité du donneur en assistance médicale à la procréation (AMP) et à l’interdiction d’établir la filiation entre le donneur et l’enfant issu du don sont conformes à la Constitution.

Dans la décision n° 2023-1052 QPC, le Conseil note que les dispositions contestées de l’article L. 2143-6, 6°, dudit code, telles qu’issues du décret n° 2022-1187 du 25 août 2022 pris en application de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique, subordonnent au consentement du tiers donneur la communication au demandeur, par la commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur, des données identifiantes le concernant. Dès lors, elles « ne remettent pas en cause la préservation de l’anonymat qui pouvait légitimement être attendue par le tiers donneur ayant effectué un don sous le régime antérieur à la loi du 2 août 2021 ».

Le Conseil ajoute que ces dispositions se bornent à prévoir que le tiers donneur peut être contacté par ladite commission en vue de recueillir son consentement à la communication de ces informations. Elles n’ont pas pour objet de déterminer les conditions dans lesquelles est donné le consentement ni « pour effet, en cas de refus, de soumettre le tiers donneur à des demandes répétées émanant d’une même personne ». Ainsi, sous cette réserve d’interprétation, elles sont déclarées conformes à la Constitution en ce qu’elles assurent le respect de la vie privée du donneur, tout en permettant, dans la mesure du possible et par des mesures appropriées, l’accès de la personne issue du don à la connaissance de ses origines personnelles.

Dans sa décision n° 2023-1053 QPC, le Conseil se penche sur la compatibilité entre le droit de mener une vie familiale normale et les dispositions de l’article 342-9 du code civil qui s’opposent à l’établissement de toute filiation, y compris adoptive, entre l’enfant issu de l’AMP et le tiers donneur.

D’une part, énonce-t-il, ce droit n’implique pas celui, pour le tiers donneur, à l’établissement d’un lien de filiation avec l’enfant issu de son don. Le législateur a, par là même, entendu préserver la filiation entre l’enfant et le couple ou la femme qui a eu recours à l’AMP et, ce faisant, il a pu interdire l’établissement d’un tel lien entre cet enfant et le tiers donneur.

En second lieu, les Sages observent qu’aucune interprétation jurisprudentielle constante ne confère aux dispositions contestées une portée qui exclurait la possibilité, pour le tiers donneur, d’établir un lien de filiation adoptive avec une personne issue de son don. Du reste, « le droit de mener une vie familiale normale n’implique pas le droit pour le tiers donneur à l’établissement d’un lien de filiation adoptive avec l’enfant issu de son don ». Les Sages en concluent que, « quand bien même les dispositions contestées seraient interprétées comme interdisant l’établissement d’un tel lien de filiation, elles ne méconnaîtraient pas le droit de mener une vie familiale normale ».

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