Procès en appel France Télécom : « Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés »
Depuis six semaines, la Cour d'appel de Paris examine l'affaire « France Télécom ». En 2019, la personne morale et sept de ses anciens ou actuels dirigeants avaient été condamnés, comme auteurs ou complices, pour harcèlement moral « institutionnel » au travail. Six des prévenus avaient alors interjeté appel de cette décision.
Autour du changement de millénaire, l'EPIC France Télécom devint une SA, ouvrit son capital, perdit son monopole, puis acquit progressivement, à prix d'or, l'opérateur britannique Orange. L'effectif était encore très majoritairement composé de fonctionnaires, avec une pyramide des âges « atypique ». C'est dans ce contexte qu'en 2006 furent lancés coup sur coup le plan triennal Next, et son volet dit « social », Act : « Allez, casse-toi », selon la traduction libre de syndicalistes maison. Le PDG d'alors, Didier Lombard, exigea des départs « d'une façon ou d'une autre, par la fenêtre ou par la porte ». « Je ne m'en souviens plus, mais si tout le monde dit que je l'ai dit… », concède du bout des lèvres l'intéressé à propos de cette « phrase malheureuse », et puis, « on n'a plus aucun moyen de le savoir ». Le souci, c'est que, si beaucoup ont effectivement pris la porte, Stéphanie s'en fut précisément par une fenêtre, tandis que Jean-Michel se jetait sous un train, ou que Rémy s'immolait par le feu… On recense ainsi trois douzaines de suicidés en deux ans.
C'est au mois de février 2006 que plusieurs ordres de grandeur furent – un peu intempestivement – annoncés par un communiqué de presse. Outre dix mille « redéploiements » et six mille recrutements, on tablait alors sur vingt-deux mille suppressions d'emplois. Une « modélisation » de « déflation » (sic) pondue, sur la base des « flux de sortie » de la décennie précédente, par une direction financière qui en espérait « sept milliards d'euros de free cash flow ». « C'est des gens qui ont fait des études sérieuses, hein, ça n'a pas été fait sur un coin de table », souligne le PDG. Il s'agissait aussi, d'après le même, de contrebalancer un « sur-recrutement » intervenu vingt ans plus tôt. C'était, à l'en croire, le seul moyen de « sortir l'entreprise de la faillite sans passer par le tribunal de commerce ». « Ardente obligation » ou « objectif » à atteindre pour les uns, ce nombre de vingt-deux mille – un cinquième du personnel – constituait selon d'autres une « tendance », une « estimation », ou encore une simple « trajectoire » prévisionnelle. Devant la Cour, l'ancien numéro deux du groupe, le « cost killer » Louis-Pierre Wenès, tranche ce point sémantique : « L'objectif, c'est un point d'atterrissage, [et] la trajectoire, c'est comment on va arriver à ce point. Quelque part, la trajectoire est [donc] aussi intangible que l'objectif ». C'est avec ce genre de phrase que le bourru Wenès incarne, dans ce prétoire, une forme de bon sens terrien, quand certains de ses coprévenus manient plus volontiers les circonlocutions d'une « novlangue corporate » que raillait le parquet en première instance. Reste que, même si c'est en l'occurrence à propos de formulaires à remplir en double exemplaire, sa vision du job peut sembler un poil abrupte quand on connaît la suite : « Travailler plus efficacement, […] c'est supprimer tous les trucs qui ne servent à rien ».
« Un ensauvagement des mots »
Régulièrement, la présidente de la Cour rappelle que cette décision initiale de suppressions d'emplois relève du « pouvoir de direction de l'entreprise », et que « la vraie question, c'est comment ça s'est fait ». Sur ce plan, il faut noter en premier lieu que la période fut émaillée de réorganisations, que l'ordonnance de renvoi qualifie de « multiples et désordonnées ». De fait, leur passage en revue occupe plusieurs demi-journées d'audience : fusion des directions régionales au sein de directions territoriales, tentative de « verticalisation » de la fonction RH, etc. L'organisation devint ainsi « matricielle », avec une déconnexion et un enchevêtrement des lignes hiérarchiques et fonctionnelles. « On réorganisait pour réorganiser, pour créer une insécurité pour le personnel », affirmait un « collaborateur » auditionné après sa tentative de suicide. « On ne fait pas des réorganisations pour le plaisir », s'inscrit en faux Guy-Patrick Cherouvrier, ancien DRH France, présent en pointillés à l'audience pour raisons médicales : « L'enjeu, c'était de faire monter en compétences les salariés. [Et] ce n'était pas seulement nécessaire, c'était vital ». Si le jugement rendu par le tribunal correctionnel admet que ces réorganisations « ne peuvent être en elles-mêmes assimilées à des agissements harcelants », il note tout de même, quant à leur caractère « désordonné », que « la direction […] ne disposait pas d'outil lui permettant d'avoir une vision globale […] susceptible d'assurer une transformation de l'entreprise à un rythme supportable pour les agents ».
Quelle que fût l'idée originelle, ces réorganisations devinrent, semble-t-il, des outils au service de la fameuse « déflation », au travers donc d'une « mise en mouvement massive ». Résumé par un syndicaliste entendu en procédure, cela donne : « En secouant un peu partout, les gens tombaient ». Par la même occasion, l'objectif des vingt-deux mille infusa progressivement dans les échelons inférieurs, au gré d'une bonne vieille règle de trois : les managers reçurent ainsi des quotas de « sorties pilotées » à réaliser en fonction des effectifs de leurs services. Une fraction de la rémunération variable de certains d'entre eux pouvait même dépendre de leurs performances en la matière. Les prévenus n'ont de cesse de répéter que ces quotas n'en étaient pas, ne constituant guère que des « points de repère pour que chacun ait un ordre de grandeur de ce que [ça] représentait dans sa région » : des indicateurs « très macro et pas micro », jargonnent-ils. « Si la fixation d'objectifs relève du pouvoir hiérarchique de l'employeur et qu'il est admis qu'elle puisse provoquer un certain stress ou une pression », estime le jugement, « c'est à la condition que la mise en œuvre de ces objectifs, fixés raisonnablement, demeure respectueuse des conditions de travail ». Au passage, la décision pointe une « hiérarchie intermédiaire en souffrance », prise « entre le marteau et l'enclume », autrement dit « dans la double contrainte de loyauté à l'entreprise et de protection [des] collaborateurs ».
Pour les prévenus, un regrettable effet pervers, dû à une somme de dérives individuelles. Mais il pourrait au contraire avoir été parfaitement anticipé, et certaines pratiques harcelantes, encouragées, dans l'optique de ce que le jugement considère comme une « politique jusqu'au-boutiste », menée « à marche forcée ». Il y a d'abord les comptes-rendus que firent les uns et les autres d'un séminaire de hauts cadres de la maison, qui se tint à l'automne 2006, et constitua un tournant. Le jugement, toujours lui, évoque à ce sujet un « ensauvagement des mots », auquel celui des actes ne tarda pas à emboîter le pas. « [Quand] on rencontre les gens, tout se complique, car ce ne sont plus des chiffres », déplora notamment ce jour-là le DRH groupe, absent au procès puisqu'il s'est désisté de son appel : « On est dans une considération humaine. Mais c'est la logique business qui commande ». Et le même de prédire qu'on « ne va pas faire dans la dentelle ». Lors de ce même séminaire, Louis-Pierre Wenès, le « costkiller », prit la suite du DRH pour expliquer que le rôle d'un manager était de déterminer « combien je vais pouvoir emmener de personnes, [et] combien je suis obligé d'en laisser au bord de la route ». Le jugement souligne « le caractère direct, voire familier de certains termes utilisés », pointant « la violence qu'ils véhiculent » et le fait qu'il « ouvrent la porte à d'éventuels abus » : « La pression est ainsi mise sur les managers pour sélectionner puis convaincre des collègues à quitter définitivement l'entreprise. Par tout moyen ». D'un échange interne, il ressort que l'un des participants interpréta ces leitmotivs comme autant d'exhortations à identifier « ceux qui ne sauraient contribuer au redressement de l'entreprise qu'en la quittant ». Entraînant les « incitations répétées au départ » visées par la prévention.
« Une banalisation des départs »
Des formations prirent le relais, au cours desquelles fut notamment préconisé aux managers de faire passer leurs équipes « d'une logique de planification à long terme dans un environnement stable à une logique d'adaptation permanente dans un environnement instable ». « Introduire la culture du turnover », « retirer la chaise », recommanda un autre support de formation. Autant de formulations qui, tranche le jugement, ont « contribué à servir l'objectif de déflation des effectifs en le martelant, d'où une banalisation des départs et mobilités forcées dans l'esprit des managers formés ». À la barre, l'un de ces derniers raconte : « Nous étions des missionnaires dans un laboratoire managérial. Ces formations, c'était du conditionnement psychologique. […] Il fallait infantiliser le personnel jusqu'à le déligitimer. […] C'étaient des méthodes machiavéliques, de tortionnaires ». Ces formations étaient a priori dans le périmètre de Brigitte Dumont, directrice du développement personnel, puis des RH. D'ailleurs, certains consultants mentionnent des interactions avec « UNE » responsable de projet. Mais elle assure n'avoir jamais jeté un œil au moindre support de formation : « Le premier nom qui me vient, c'est [le sien] », concède Cherouvrier, le DRH France, « mais ce n'est sans doute pas le bon ». « Parce que vous ne voulez pas dire l'inverse de ce qu'elle a dit, ou parce que ce n'était pas elle ? », insiste la présidente. « Je ne connais pas d'autre chef de projet femme… », lâche-t-il finalement.
Contrairement à celles des managers, les formations des travailleurs « mis en mouvement », elles, laissaient, semble-t-il, à désirer : selon la prévention, elles étaient « insuffusantes, voire inexistantes ». « Le seul accompagnement, c'était vers la porte », résume devant la Cour une partie civile. « J'étais dans un bureau, de 2007 à 2008, à chercher un métier. Je n'avais aucune visite, personne avec qui échanger », explique une autre. La défense conteste et, à la demande de celle de Brigitte Dumont, on doit endurer de gentillets films d'entreprise vantant au contraire l'accompagnement aux petits oignons des « volontaires ». « On n'est pas poussé dehors, mais on a […] envie d'évoluer vers autre chose », déroule une interviewée ; « Moi, je trouve que c'est génial de pouvoir changer de vie professionnelle », s'enthousiasme une autre. Concrètement, ceux qui allaient la prendre étaient orientés vers les « espaces développement », où les attendaient notamment des ateliers CV et lettres de motivation. « La direction nous a invités à y aller. Puis elle nous a incités. Puis elle nous a obligés », explique à l'audience l'un des concernés.
Sur le papier, le principe était donc censé être le volontariat, mais « comment être volontaire quand [son] poste est supprimé ? », interroge le jugement. « Peut-être qu'au départ, [le salarié] était forcé », glisse froidement Dumont, « mais à un moment donné, ça devenait son choix ». Pour les magistrats de première instance, « les départs prévus, que [la direction] disait basés sur le volontariat, impliquaient de manière indiscutable de mettre en place une politique donnant l'illusion que c'était le salarié ou le fonctionnaire qui était volontaire pour partir ». Ainsi, « pour prévenir le risque d'un nombre insuffisant de départs sincèrement volontaires, la société […] a engagé des actions délibérées d'incitation aux départs qui passaient fatalement par une dégradation des conditions de travail ». « Il fallait minimiser l'angoisse, et aider les salariés à trouver leurs propres solutions », explique aujourd'hui Dumont. Ce qui est précisément l'un des points relevés par la première décision : « Transférer […] le poids d'un reclassement, le plus souvent impossible, sur l'agent dont le poste est supprimé, génère une inquiétude, qui s'accroît [au fil des] échecs ou des refus successifs ».
« Dire qu'il faut que le salarié soit acteur de son parcours professionnel », objecte un prévenu, « c'est une chose qu'on entend aussi au ministère du Travail. Mais être acteur, ce n'est pas nécessairement être seul ». Ce prévenu, c'est Jacques Moulin, alors à la tête d'une direction territoriale, dans l'Est de la France. À l'époque considéré par le siège comme un manager exemplaire, et à ce titre, mis en avant à plusieurs reprises dans les séminaires et formations, il explique désormais que « j'étais juste un grand témoin ». Il est comme ça, Moulin : arrogant, même pour minimiser son rôle. On a pu lui attribuer la paternité d'un certain nombre de dispositifs mis en œuvre pour identifier et traiter les « low performers » de l'entreprise. Il ne voit d'ailleurs pas le mal : « La responsabilité d'un manager, c'est faire en sorte, lorsqu'un salarié rencontre une difficulté, de lui proposer une autre voie. […] C'est exactement comme chez un conseiller d'orientation, avec un enfant qui veut faire du droit, mais serait mieux en commerce. […] Doit-on le laisser dans la spirale de l'échec ? ». Autre « outil scolaire », selon la présidente : l'affichage des performances individuelles dans les locaux, qui ont pu avoir cours ici ou là. « C'est sans doute un peu délicat à manier », concède Louis-Pierre Wenès, mais « ceux qui vont se retrouver en bas de la liste, ce n'est pas pour les stigmatiser. […] Quand vous êtes manager, vous avez intérêt à relever le niveau […] des plus faibles, leur donner des outils, parce que ce sont eux qui règlent le tempo de l'équipe ». Même tonalité du côté de Nathalie Boulanger, directrice des actions territoriales. Elle précise que, d'ailleurs, « ceux qui partaient n'étaient pas forcément ceux qu'on attendait ». « Mais il n'y a quand même pas vingt-deux mille très bons qui sont partis, rassurez-moi… », persifle l'avocat général.
« Une fragmentation du collectif »
Ainsi, un fonctionnaire devenu partie civile considère avoir été choisi, notamment en raison de son statut : « J'ai intégré l'administration des PTT en 1982, sur concours, j'ai même prêté serment ». Et puis, en 2007, « j'ai été absent deux mois, à cause d'un cancer, et à mon retour, […] j'ai subi des pressions quotidiennes pour partir, […] n'importe où et sur n'importe quel métier. […] Il a souvent été fait mention de “maladresses administratives”, mais ce que j'ai subi était trop ciblé et réitéré pour être une simple maladresse ». Une autre partie civile a le même sentiment : « Il ne faut pas dire qu'on a pris au pif. On a choisi des personnes, parce que chaque direction avait un quota à faire. Et je n'ai pas arrêté de me demander “Pourquoi moi ? Qu'est-ce que j'ai fait ?” ». Guy-Patrick Cherouvrier, le DRH France, l'admet lui-même : « Ces méthodes, qui consistent à identifier des personnes et à tout mettre en œuvre pour qu'elles partent, je les réprouve, mais sans doute ont-elles existé ». Louis-Pierre Wenès ne le conteste pour sa part que très mollement, mais il y voit de simples dysfonctionnements localisés : « Ce n'est pas pour moi lié à l'organisation en tant que telle. [Mais à] la manière dont des gens ont pris des décisions qui n'étaient pas bonnes ». Ce qui, au demeurant, ressemble tout de même bigrement… à un problème d'organisation. Le jugement, pour sa part, relève « une fragmentation du collectif par l'instauration d'un climat de compétition délétère », puis « une instrumentalisation de dispositifs managériaux subie et mise en œuvre par la hiérarchie intermédiaire, […] constitutive d'agissements répétés ».
Cette souffrance pose ainsi la question de la prise en compte des alertes. « Je voudrais essayer de vous faire comprendre à quel point il est difficile de vous entendre dire que vous auriez évolué dans une espèce d'opacité pendant trois ans », lance un avocat des parties civiles à Louis-Pierre Wenès. « Je ne suis pas dans le déni, je ne l'ai jamais été », objecte ce dernier : d'ailleurs, « depuis le début, j'avais conscience que les changements qui allaient se produire dans l'entreprise […] étaient d'une telle ampleur qu'il allaient créer, pour le moins, l'inconfort. […] Mais je m'attendais à ce que chacun règle les problèmes qui étaient dans son périmètre ». Même son de cloche du côté de Cherouvrier, qui considère que, « aujourd'hui, il est un peu facile de me reprocher [de ne rien avoir] fait, parce qu'on a la tentation de reconstruire le passé en ayant connaissance de ce qu'il s'est passé après ». Une partie civile narre pour sa part avoir « fait appel aux syndicats, à un avocat et au médecin du travail ». En réponse, elle fut « convoquée par le “pôle enquête”, qui normalement est compétent pour des escroqueries ou des vols. Ce sont des anciens policiers qui ont été recrutés par France Télécom, […] et qui ne sont pas formés [ni] compétents pour prendre des signalements de salariés ». Il y eut également, entre autres, un droit d'alerte du CHSCT national, des signalements de la médecine du travail, ou encore plusieurs rapports pointant « de multiples risques psychosociaux », allant jusqu'à mentionner « des entretiens émaillés de pleurs et d'évocations de la mort ». Autant d'alertes qui, à en croire les prévenus, ne seraient pas remontées jusqu'à eux, en tout cas pas toutes.
Un témoin de la défense, ancien représentant syndical, abonde en ce sens, et son explication tient à la privatisation, et par conséquent à la conversion erratique aux « nouvelles instances représentatives du personnel (IRP) du privé » : « Les premières années, la communication était compliquée, y compris entre les organisations syndicales ». À tel point que « toutes les remarques qui pouvaient être faites faisaient l'objet d'une non-prise en compte dans la suite des projets », ajoute le même. Et de conclure : « Le malaise, il a été grandissant, c'était un mal lancinant qu'on n'a pas vu venir. Et on n'a pas compris qu'il venait de ce nouveau management ». Coopté par Lombard avant d'être cité par sa défense, un administrateur confirme : « Le conseil [d'administration] auquel on apprend qu'il se passe quelque chose de grave, [c'est] en septembre 2009. […] Je ne comprends pas comment une situation aussi grave est aussi peu remontée ». Même s'il a sa petite idée : « Il y avait une espèce de bruit très lourd, politico-médiatique, sur la privatisation notamment, qui cachait des signaux faibles. […] Je dis simplement qu'il y a des choses qui avaient plus d'importance que le psychosocial ». Tandis qu'un avocat taquin lui demande son sentiment sur le dossier « en tant qu'être humain et en tant que banquier », il explique que « faire peser sur quelques personnes la culpabilité de quelque chose qui est explicable par un faisceau de contraintes absolument colossales qui s'abat sur l'entreprise, moi, ça me trouble ».
En première instance, ces six prévenus furent condamnés, comme auteurs ou complices, pour harcèlement institutionnel au travail, sur une période plus étroite que celle visée par la prévention. Une infraction que le tribunal correctionnel illustre d'un vers d'une fable de La Fontaine (Les Animaux malades de la peste) : « Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés ». Et qu'il fait reposer, notamment, sur la notion de « souffrance généralisée », que tous contestent, à commencer par Louis-Pierre Wenès : « Il y a eu des dysfonctionnements, oui, des cas particuliers qui n'ont pas été traités correctement », concède-t-il simplement. « Donc, si j'ai bien compris », s'agace un avocat des parties civiles, « pour parler de “malaise généralisé”, il aurait fallu que ça concerne l'ensemble du personnel ? ». Wenès maintient que le problème central tient à la relation par la presse de la vague de suicides : « À partir du moment où c'est sorti dans les médias, il y a eu une montée d'émotion, et ça a rendu la situation totalement ingérable ». Didier Lombard, le PDG, est sur la même ligne : « Les médias sont des organismes lucratifs qui réagissent quand on leur met des évènements susceptibles de générer de l'audience devant eux ». Il semble ne tellement pas saisir ce qu'il fait là qu'à la présidente, qui le remercie de s'être prêté à un ultime interrogatoire par temps de canicule, il répond en se marrant : « Je ne porterai pas plainte pour harcèlement ».
Le procès se poursuit cette semaine, et jusqu'au vendredi 1er juillet 2022.
Par Antoine Bloch
© Lefebvre Dalloz