Prescription de l’action en déchéance du droit aux intérêts en cas de pluralité d’erreurs de TEG
En cas d’utilisation de la méthode lombarde, la prescription de l’action en déchéance du droit aux intérêts court du jour de la conclusion du prêt, peu importe la découverte ultérieure d’autres irrégularités.
Les faits
Plus de cinq ans après avoir conclu un prêt immobilier, un emprunteur poursuit le prêteur en déchéance du droit aux intérêts conventionnels. Il invoque plusieurs irrégularités affectant le calcul du taux effectif global (TEG), notamment le calcul des intérêts sur la base d’une année de 360 jours et non de 365 (clause lombarde), l’absence de proportionnalité au taux de période et l’absence de prise en compte du coût de l’assurance emprunteur.
Une cour d’appel déclare l’action en déchéance prescrite pour avoir été engagée plus de cinq ans après la conclusion du prêt.
Pourvoi en cassation et décision de la Haute Juridiction
Les emprunteurs soutiennent qu’ils ont invoqué plusieurs erreurs et que, dans cette hypothèse, le point de départ du délai doit être fixé, distinctement pour chacune des erreurs invoquées, à la date où chacune d’entre elles a été révélée à l’emprunteur. La découverte d’erreurs dont les emprunteurs n’ont pu avoir connaissance par la seule lecture du contrat permettrait ainsi de reporter le point de départ de la prescription.
Argument écarté par la Cour suprême : dès lors qu’au soutien de leur action les emprunteurs invoquaient notamment le recours à une année de 360 jours pour calculer les intérêts conventionnels et qu’ils avaient pu déceler une telle irrégularité à la simple lecture de l’offre de prêt, qui mentionnait cette base de calcul, le point de départ du délai de prescription de l’action devait être fixé au jour de l’acceptation de l’offre, sans report possible tiré de la révélation postérieure des autres irrégularités invoquées.
Par suite, l’action des emprunteurs était bien prescrite.
À noter
L’action en déchéance du droit aux intérêts se prescrit par cinq ans à compter du jour où l’emprunteur a connu ou aurait dû connaître l’irrégularité qu’il invoque (C. com. art. L 110-4 et C. civ. art. 2224).
À l’égard d’un emprunteur consommateur ou non professionnel, le délai de prescription court à partir de la date de la convention de prêt si l’examen de sa teneur permet de constater l’erreur invoquée ; si ce n’est pas le cas, le délai de prescription court à partir de la date à laquelle l’irrégularité du TEG lui a été révélée (Cass. 1e civ. 11-6-2009 n° 08-11.755 FS-PBRI ; Cass. 1e civ. 16-6-2021 n° 19-20.940 F-D).
La chambre commerciale de la Cour de cassation a déjà jugé qu’en cas d’irrégularité d’un TEG calculé selon la méthode lombarde, le délai de prescription de l’action en nullité de la clause d’intérêt court à compter de la date d’acceptation de l’offre de prêt dès lors que les termes de cette offre sont suffisamment clairs et qu’une simple lecture permet de constater l’erreur affectant le TEG (Cass. com. 9-9-2020 no 19-10.651 F-PB). L’emprunteur est ainsi présumé savoir que cette méthode est interdite.
La première chambre civile affirme à nouveau cette solution, s’agissant cette fois non de l’action en nullité du taux d’intérêt conventionnel mais de l’action en déchéance du droit aux intérêts, seule action possible depuis l’ordonnance 2019-740 du 17 juillet 2019 ayant réformé les sanctions civiles encourues par le prêteur en cas d’absence ou de mention erronée du TEG. Elle précise qu’il en est ainsi même en cas de découverte ultérieure d’autres irrégularités, de sorte que la prescription de l’action ne s’apprécie pas grief par grief et que le point de départ de la prescription ne peut pas être reporté à la date de découverte d’autres irrégularités.
Lorsque le prêt est consenti à un professionnel, le délai de prescription court toujours à compter de la date du contrat de crédit, peu importe le moment où l’emprunteur a effectivement décelé l’anomalie affectant le TEG (Cass. com. 10-6-2008 n° 06-19.452, n° 06-19.905 et n° 06-18.906 FS-PBRI ; Cass. 1e civ. 3-12-2013 n° 12-23.976 F-PB). Le professionnel est présumé avoir eu connaissance de cette irrégularité dès la formation du contrat.
Source : Cass. 1e civ. 5-1-2022 n° 20-16.350 F-B, X c/ Crédit Lyonnais
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