Monument historique : fournir tardivement la demande de convention ne prive pas de l’exonération fiscale

L’héritier d’un monument historique est exonéré de droits s’il fournit dans les six mois du décès la copie certifiée de la demande de convention à signer avec l’État. À défaut, les droits deviennent exigibles mais l’héritier peut, ensuite, en réclamer le dégrèvement.

Les immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques et les meubles qui en constituent le complément historique ou artistique peuvent être exonérés de droits de mutation à titre gratuit, sous condition notamment que les héritiers, les donataires ou les légataires concluent avec l’État une convention à durée indéterminée prévoyant les modalités d’accès du public ou les conditions d’entretien des biens exonérés (CGI art. 795 A). Pour obtenir l’exonération, le bénéficiaire de la transmission doit fournir au service des impôts compétent, pour enregistrer la déclaration de succession, une copie de la demande de convention ou d’adhésion à une convention existante certifiée par le service du département de la culture compétent, dans les six mois du décès (CGI ann. III art. 281 bis, dans sa version antérieure au décret 2021-979 du 23-7-2021).

Après le décès de leur tante en 2010, deux frères héritent d’un château inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques et de ses dépendances. Pour qu’ils puissent se prévaloir de l’exonération de droits de succession prévue par l’article 795 A du CGI, le notaire en charge de la succession adresse à la direction régionale des affaires culturelles un projet de convention prévoyant l’ouverture au public de la propriété ainsi que les conditions d’entretien et de maintien sur place des éléments mobiliers. Le ministre de l’action et des comptes publics refuse le bénéfice de l’exonération aux héritiers en 2017 au motif que la déclaration de succession et la copie de la demande de convention ont été déposées tardivement.

Pour attaquer cette décision, l’un des héritiers se présente devant le tribunal administratif de Lille, puis devant la cour administrative d’appel de Douai (CAA Douai 16-9-2021 no 19DA02608), qui lui donnent raison. Le second héritier, à l’inverse, voit ses prétentions rejetées par le tribunal administratif de Montreuil, puis par la cour administrative d’appel de Versailles (CAA Versailles 27-5-2021 no 19VE01380).

Le Conseil d’État, confirmant l’arrêt de la cour administrative d’appel de Douai (CE 11-2-2022 no 458465) et annulant l’arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles (CE 11-2-2022 no 454999), donne raison aux deux héritiers. Il juge que les dispositions de l’article 281 bis de l’annexe III au CGI ont pour objet de prévoir les modalités selon lesquelles le paiement des droits de succession peut être différé jusqu’à la signature de la convention prévue par l’article 795 A du CGI. Elles n’ont pas pour effet de subordonner le bénéfice de l’exonération au dépôt dans le délai imparti d’une déclaration de succession accompagnée d’une copie de la proposition de convention adressée au service du ministre de la culture compétent et certifiée conforme par lui. Le non-respect de cette formalité est seulement susceptible de priver le contribuable du bénéfice du différé de paiement des droits de succession jusqu’à ce qu’il soit statué sur sa demande, mais ne l’empêche pas de se prévaloir, dans le délai de réclamation, d’un projet de convention ou d’adhésion à une convention existante pour bénéficier de l’exonération de droits.

À noter : Le Conseil d’État met ainsi fin au désaccord entre cours administratives d’appel en jugeant que le dépôt tardif de la demande de convention à l’appui de la déclaration de succession a pour effet de rendre les droits de succession exigibles mais ne prive pas définitivement l’héritier de la possibilité d’obtenir, par voie de réclamation, le bénéfice de l’exonération prévue par l’article 795 A du CGI.

 

Source : CE 11-2-2022 n° 458465 et 454999

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