L'indemnité de rupture conventionnelle est acquise dès l'homologation de la convention

Il résulte des articles L. 1237-11, L. 1237-13 et L. 1237-14 du code du travail que la créance d'indemnité de rupture conventionnelle, si elle n'est exigible qu'à la date fixée par la rupture, naît dès l'homologation de la convention. Dans l'hypothèse du décès du salarié après la date d'homologation administrative, mais avant la date de rupture du contrat de travail envisagée dans la convention, les ayants droit sont donc fondés à solliciter le versement de cette indemnité.

Mode de rupture du contrat de travail exclusif de la démission et du licenciement, la rupture conventionnelle s'est développée et construite à mesure du contentieux qu'elle a généré.

Dans cet arrêt, la Cour de cassation tranche une question inédite : lorsque le décès du salarié est intervenu après l'homologation de la convention par l'administration, mais avant la date de rupture fixée d'un commun accord, les ayants droit sont-ils fondés à solliciter le paiement de l'indemnité spécifique de rupture ?

En l'espèce, un salarié et son employeur avaient signé une convention de rupture le 11 septembre 2015, laquelle fixait la date de la rupture du contrat de travail au 21 octobre 2015. La convention avait été homologuée par l'administration le 9 octobre 2015. Le 16 octobre, le salarié était décédé à la suite d'un accident de travail.

Le conjoint survivant et les enfants de la défunte, en leur qualité d'ayants droit, ont saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de condamnation de l'employeur à leur verser l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle convenue. La cour d'appel a fait droit à leur demande.

Dans son pourvoi, l'employeur soutenait que l'indemnité n'était pas due puisque le contrat de travail avait été rompu par le décès du salarié.

Ce raisonnement n'emporte pas la conviction de la Cour de cassation. Elle rappelle d'abord que selon l'article L. 1237-11 du code du travail, l'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties. Elle résulte d'une convention signée par les parties au contrat. Elle ajoute qu'aux termes de l'article L. 1237-13 du code du travail, la convention de rupture fixe la date de rupture du contrat de travail, qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l'homologation. Elle précise ensuite que selon l'article L. 1237-14 du même code, la validité de la convention est subordonnée à son homologation par l'administration.

La haute juridiction considère qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que la créance d'indemnité de rupture conventionnelle, si elle n'est exigible qu'à la date fixée par la rupture, naît dès l'homologation de la convention. La cour d'appel, qui a constaté que la convention de rupture, conclue le 11 septembre 2015, avait été homologuée le 9 octobre 2015, en a exactement déduit que la créance d'indemnité de rupture conventionnelle était entrée dans le patrimoine antérieurement au décès du salarié, de sorte que ses ayants droit étaient fondés à en réclamer le paiement.

La rupture du contrat est acquise dès l'homologation de la convention, mais effective à la date convenue par les parties

La solution apparaît conforme à la lettre de l'article précité L. 1237-1. La rupture intervient nécessairement postérieurement à l'homologation par l'autorité administrative. L'une et l'autre ne se confondent pas. L'homologation n'est pas de nature à entraîner la rupture du contrat de travail.

Toutefois, si la rupture du contrat de travail est effective à la date fixée par les parties dans la convention de rupture, elle n'en demeure pas moins acquise dès l'homologation de ladite convention. En ce sens, il s'infère de l'article L. 1237-14 que la rupture conventionnelle peut être contestée pendant un délai de douze mois, lequel commence à courir à compter de l'homologation de la convention.

Dans ces conditions, la créance d'indemnité est acquise, au même titre que la rupture du contrat de travail, dès l'homologation, même si elle ne demeure exigible qu'à la date de rupture du contrat.

La créance d'indemnité de rupture est acquise dès l'homologation mais exigible à la date de rupture du contrat

Dès lors que la convention de rupture conventionnelle a été homologuée, la créance d'indemnité de rupture est acquise, peu importe que le salarié soit décédé postérieurement.

Cette solution s'inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence rendue en matière de licenciement. En effet, la Cour de cassation a jugé que lorsque le licenciement a été notifié au salarié, l'employeur reste débiteur de l'indemnité de licenciement si le salarié est décédé en cours de préavis, c'est-à-dire postérieurement à la notification du licenciement (Soc. 1er févr. 1983, n° 80-41.766 P). Autrement dit, la rupture du contrat de travail, et donc l'indemnité de licenciement sont acquis dès la notification du licenciement, et exigible à la date de la rupture effective du contrat.

Le raisonnement de l'employeur visant à soutenir qu'il n'était pas débiteur de l'indemnité de rupture dès lors que le décès avait mis fin au contrat de travail ne pouvait prospérer. En effet, si le décès du salarié emporte bien la rupture du contrat de travail, l'indemnité de rupture est acquise dès l'homologation de la convention de rupture. Lors du décès, il faut considérer que la rupture était déjà effective, même si son effet est décalé dans le temps.

Les ayants droit du salarié décédé peuvent prétendre à l'indemnité de rupture acquise par ce dernier à la date du décès

En l'espèce, l'indemnité de rupture étant exigible dès l'homologation, et le décès du salarié étant intervenu postérieurement, les ayants droit du salarié décédé pouvaient solliciter son paiement.

Là encore, la solution s'inscrit dans le sillage d'une jurisprudence établie. À titre d'illustration, la Cour de cassation a jugé que le décès du salarié ne rend pas sans objet la demande, reprise en appel par les ayants droit de celui-ci, en résiliation du contrat de travail (Soc. 12 févr. 2014, n° 12-28.571 P, Dalloz actualité, 1er avr. 2014, obs. B. Ines ; D. 2014. 488 ). De même, les ayants droit peuvent solliciter le versement d'une indemnité compensatrice d'un congé annuel acquis avant le décès du salarié (Soc. 28 mars 1979, n° 77-13.647).

 

Emmanuelle Clément

Soc. 11 mai 2022, FS-B, n° 20-21.103

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