Licenciement fondé sur des difficultés économiques

Lorsque l’employeur envisage un licenciement pour motif économique fondée sur des difficultés économiques caractérisées par une baisse significative de son chiffre d’affaires ou de ses commandes, comment est appréciée cette baisse par le juge ?

Critères objectifs pour apprécier une baisse de CA. Un licenciement économique fondé sur des difficultés économiques de l’entreprise peut être justifié notamment par une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires (CA) (C. trav. art. L 1233-3, 1°). La baisse significative du CA ou des commandes doit être significative et continue, c’est-à-dire que sa durée doit être au moins égale, en comparaison avec la même période de l'année précédente, à :

- 1 trimestre pour une entreprise de moins de 11 salariés ;
- 2 trimestres consécutifs pour celle de 11 salariés et de moins de 50 salariés ;
- 3 trimestres consécutifs pour celle de 50 salariés et de moins de 300 salariés ;
- 4 trimestres consécutifs pour celle d’au moins 300 salariés (C. trav. art. L 1233-3, 1°).

P. ex pour une entreprise de 55 salariés, la baisse du chiffre d’affaires, par rapport à la même période de l’année précédente, doit s’étaler au minimum sur 3 trimestres consécutifs. 

Question. Quelle période retenir pour apprécier la durée de la baisse de CA ou des commandes ? C’est à cette question qu’a répondu récemment la Cour de cassation (Cass. soc. 1-6-2022 n° 20-19957).

Illustration. Invoquant des difficultés économiques, une entreprise de plus de 300 salariés a engagé une procédure de licenciements collectifs pour motif économique au 2e trimestre 2017. Une salariée concernée par cette procédure a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle le 2-7-2017. L’employeur lui a notifié le motif économique de la rupture de son contrat de travail par lettre du 5-7-2017, et la rupture est intervenue le 14-7-2017. La salariée a saisi le juge prud’homal pour contester le motif économique de son licenciement.

Pour sa défense, l’employeur faisait valoir une baisse significative de son CA sur les 4 trimestres consécutifs de l’année 2016 (- 22 835 M€) par rapport à l’année 2015. La salariée a rétorqué que l’entreprise avait connu une légère hausse de son CA au 1er trimestre 2017 par rapport à celui de 2016. Ainsi, à la date de la rupture de son contrat de travail, en juillet 2017, la baisse de CA invoquée par l’entreprise ne s’était pas étalée sur 4 trimestres consécutifs, comme l’exige le Code du travail.

En appel, les juges ont considéré que le licenciement économique était fondé sur un motif réel et sérieux, car justifié par le recul de 4 trimestres consécutifs de CA sur l'année 2016 par rapport à l'année 2015.  Selon eux, la modeste hausse de 0,50 % du CA du 1er trimestre 2017 par rapport à celui de 2016 n'était pas suffisant pour signifier une amélioration tangible des indicateurs.

Baisse du CA appréciée à la date du licenciement.  La Cour de cassation a censuré cette décision. Elle a rappelé que le juge doit se placer à la date du licenciement pour apprécier le motif de celui-ci. Par une application stricte de l’article L 1233-3, 1° du Code du travail, elle a déclaré que la durée d’une baisse significative des commandes ou du CA doit s’apprécier en comparant le niveau des commandes ou du CA au cours de la période contemporaine de la notification de la rupture du contrat de travail par rapport à celui de l’année précédente à la même période. En l’espèce, cette période contemporaine était le mois de juillet 2017. Ainsi, n’était pas justifié par des difficultés économiques, le licenciement pour motif économique qui se fondait sur la baisse significative du CA, car, pour une entreprise de plus de 300 salariés, la durée de cette baisse, en comparaison avec la même période de l'année précédente, n'égalait pas 4 trimestres consécutifs précédant la rupture du contrat de travail.

En  pratique, il aurait fallu comparer le niveau du CA enregistré du 2e trimestre 2016 au 1er trimestre 2017 (dernier CA connu) avec celui enregistré sur la période du 2e trimestre 2015 au 1er trimestre 2016. L’affaire a été renvoyée devant une autre cour d’appel.

 

Source : Cass. soc. 1-6-2022 n° 20-19957

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