Harcèlement moral : dénoncer sans qualifier
Le salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, peu important qu’il n’ait pas qualifié ces faits de harcèlement moral lors de leur dénonciation, sauf mauvaise foi. Tel est le principe désormais retenu par la Cour de cassation, laquelle opère ainsi un revirement de jurisprudence puisqu’elle exigeait jusqu’à présent (et depuis 2017) que le salarié ait lui-même procédé à une pareille qualification.
Rappelons qu’aux termes de l’article L. 1152-3 du code du travail, la rupture du contrat de travail du salarié pour avoir relaté ce type d’agissements est frappée de nullité.
En l’espèce (et à rebours de la jurisprudence de 2017), la cour d’appel avait jugé nul le licenciement, retenant l’existence, dans la lettre de rupture, d’un motif tiré de la relation d’agissements de harcèlement moral par la salariée, dont la mauvaise foi n’était pas démontrée. La lettre ne reprochait pas expressément une dénonciation de faits de harcèlement moral mais l’envoi d’un courrier, par la salariée à des membres du conseil d’administration, dans lequel était évoqué le comportement du directeur. L’intéressée mentionnait plusieurs situations ayant entraîné, selon elle, une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé.
La Cour de cassation rejette le pourvoi de l’employeur. Elle considère que « le licenciement prononcé par l’employeur pour un motif lié à l’exercice non abusif par le salarié de sa liberté d’expression est nul ». Or, le salarié qui dénonce des faits de harcèlement n’use-t-il pas, précisément, de cette liberté ? En outre, comme l’ont relevé ici les juges d’appel, l’employeur ne pouvait légitimement ignorer que, par sa lettre, la salariée dénonçait des faits de harcèlement moral.
Soc. 19 avr. 2023, n° 21-21.053
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