Entrée en vigueur du code pénitentiaire : une codification à droit (presque) constant

Conformément à l'article 24 de la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire, le code pénitentiaire, publié par voie d'ordonnance, est entré en vigueur le 1er mai 2022. La présente chronique propose un bref focus sur les changements et les perspectives offertes par ce nouveau corpus.

Né de la volonté de l'exécutif et porté par le garde des Sceaux, le code pénitentiaire entré en vigueur 1er mai 2022 est désormais la principale source juridique des acteurs de l'administration pénitentiaire. Malgré un déséquilibre majeur entre la partie législative et la partie réglementaire, son ergonomie devrait à terme faciliter l'identification du droit applicable aux agents et aux personnes placées sous main de justice.

Moins une révolution qu'une systématisation, le code pénitentiaire constitue un corpus juridique annoncé à droit constant. Il est l'aboutissement de la colligation de normes juridiques éparpillées dans divers textes, essentiellement dans la loi du 24 novembre 2009 dont la majeure partie des dispositions ont été abrogées et dans le code de procédure pénale. Il puise également dans une moindre mesure sa source dans d'autres codes et surtout, dans de nombreux décrets jusque là non codifiés.

Partant, la codification à droit constant n'a pas a priori vocation à bouleverser les pratiques de l'administration pénitentiaire. Il faut cependant tenir compte de l'évolution tant des finalités que des modalités d'intervention de l'administration à l'égard de ses usagers. À ce titre, la compilation des normes applicables au service public pénitentiaire révèle précisément la volonté de l'administration de faire coexister à valeur égale les missions de sécurité avec celles relatives à l'insertion et à la promotion des droits fondamentaux des personnes détenues.

La présente chronique propose ainsi un bref focus sur les dispositions annoncées comme nouvelles ainsi que sur le titre préliminaire avant d'envisager les possibles, voire probables évolutions du code pénitentiaire.

Dispositions annoncées comme nouvelles

Malgré une codification annoncée à droit constant, de nouvelles dispositions sont intégrées au code pénitentiaire. D'autres disposent d'une base juridique antérieure mais ont fait l'objet d'une réécriture. Hormis les articles qui composent le livre VII relatif à l'outre-mer, la majorité des nouvelles dispositions découlent du décret n° 2022-655 du 25 avril 2002 relatif au travail des personnes détenues. Ces aspects feront l'objet d'une prochaine chronique.

La première disposition nouvelle concerne l'article L. 3 du titre préliminaire. Lu en lien avec l'article L. 1 in fine qui a substitué à la notion de « personnes détenues » celle de « personnes à l'égard desquelles [le service public pénitentiaire] intervient », l'article L. 3 précise l'ensemble des catégories prises en charge par l'administration pénitentiaire. Les rédacteurs ont opté pour une approche englobante puisque l'ensemble des personnes placées sous main de justice est désormais appréhendé par le code.

Par ailleurs, le nouvel article L. 226-2 prohibe le port des entraves par une femme détenue lors d'un accouchement ou un examen gynécologique. Bien qu'annoncé comme une disposition nouvelle, il s'agit davantage d'une réécriture de l'article 52 de la loi pénitentiaire. Il en est de même en ce qui concerne l'article L. 362-1 qui autorise la domiciliation d'une personne détenue au sein de l'établissement. Il ne s'agit là que d'une reformulation de l'article 30 de la loi pénitentiaire.

Annoncés également comme des dispositions nouvelles, les articles R. 113-37 et R. 113-38 consacrent la participation des personnels d'insertion et de probation aux évaluations pluridisciplinaires au sein des unités pour détenus violents et des quartiers de prise en charge de la radicalisation.

De son côté, l'article R. 351-5 rappelle l'obligation de moyens faite à l'administration de proposer une alimentation conforme aux convictions religieuses ou philosophiques des détenus. Moins qu'une nouvelle disposition, il s'agit d'une extraction de l'article 9 du règlement intérieur type, repris également in extenso à l'article R. 323-1 du code pénitentiaire.

L'article R. 424-31 consacre la participation de l'administration pénitentiaire à la mise en œuvre de la détention à domicile sous surveillance électronique. Là aussi, nous retrouvons sous une forme nouvelle une norme auparavant énoncée aux articles R. 57-9 et suivants du code de procédure pénale.

Les nouveaux articles R. 625-1 à R. 625-3 énoncent de manière très lacunaire les missions de l'administration pénitentiaire dans le cadre de la soumission d'une personne condamnée à un bracelet antirapprochement. Enfin, le nouvel article D. 633-2 pose le principe du suivi et du contrôle des personnes placées sous contrôle judiciaire par les services pénitentiaires d'insertion et de probation.

Focus sur le titre préliminaire

Le titre préliminaire (C. pénit., art. L. 1 à L. 8) est assez généraliste et introduit l'économie générale de l'ensemble du code pénitentiaire.

On y trouve notamment une définition augmentée du service public pénitentiaire (art. L. 1) en comparaison avec celle consacrée à l'article 2 de la loi de 2009. Est ainsi énoncée la participation de l'administration pénitentiaire à « la préparation » des décisions de justice et non plus à leur seule exécution. Cela se vérifie particulièrement par la mise en valeur des enquêtes sociales et des permanences d'orientation pénales. Ce même article fait de l'administration pénitentiaire un des acteurs de la mise en œuvre des mesures de justice restaurative. Cependant l'occurrence est absente du reste du texte et aucune section ou même paragraphe n'y est à ce jour consacré.

L'article L. 2 reprend l'article 3 du code de déontologie issu du décret 2010-1711 du 30 décembre 2010, lequel est désormais abrogé. L'élévation au rang législatif d'une norme réglementaire qui rappelle le poids considérable des normes supranationales, notamment celles issues de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, est particulièrement révélatrice du paradoxe de la construction du droit pénitentiaire. Longtemps ignoré par le pouvoir législatif, il est essentiellement l'œuvre du pouvoir réglementaire qui s'est essentiellement employé à mettre l'accent sur les aspects sécuritaires. C'est en conséquence l'activisme judiciaire de la Cour de Strasbourg et l'édiction par le Conseil de l'Europe des règles pénitentiaires européennes qui ont contribué à apporter une dimension sociale majeure à la philosophie générale du droit pénitentiaire.

L'article L. 5, qui prohibe toute détention arbitraire conformément à l'article 7 de la Déclaration des droits de l'homme, n'est pas nouveau en lui-même. Il s'agit d'une reprise de l'article 725 du code de procédure pénale, mais son inclusion dans le titre préliminaire valorise le principe. Il en va de même en ce qui concerne les conditions de détention, la garantie de la dignité et des droits du détenu ainsi que la protection de son intégrité physique qui sont également consacrées dans cette partie (art. L. 6 et L. 7).

Partant, se dessine un potentiel changement de paradigme dans les finalités de la prise en charge des personnes placées sous main de justice dont la codification en est le révélateur. Si la dimension sécuritaire reste bien évidemment présente, elle coexiste désormais avec les enjeux d'insertion et de réinsertion, lesquels ne sont plus dévolus aux seuls personnels d'insertion et de probation mais imprègnent les missions de l'ensemble des acteurs concourant au service public pénitentiaire.

Prospective

Si le travail de colligation et de systématisation offert par le code pénitentiaire ne peut être que bénéfique, sa rédaction par voie d'ordonnance et les courts délais imposés aux rédacteurs laissent entrevoir une évolution rapide de son contenu.

Sur le plan organique, compte tenu de ses missions en matière de mesures de sûreté et dans la préparation à la libération des détenus radicalisés, il conviendra de formaliser les missions ainsi que les conditions d'évaluation au sein du Centre national d'évaluation de la radicalisation (CNER), créé par le décret du 14 mars 2022. Ces aspects devraient intégrer le chapitre consacré aux mesures judiciaires de prévention de récidive terroriste et de réinsertion.

Dans le même ordre d'idées, la promotion des modules de respect dont la labélisation est en cours doit également intégrer le code. Ces structures spécifiques ont en effet vocation à accueillir jusqu'à 4 000 personnes détenues et pourraient devenir dans les temps à venir un outil majeur en termes d'insertion et de resocialisation.

Sur le plan matériel, l'occurrence « régime de détention » est présente tout le long du code. Malgré cela, aucune définition juridique n'en est proposée. Un ajout au sein du chapitre consacré à l'organisation du service public pénitentiaire pourrait être envisagé.

Ensuite, certaines doctrines telles que la sécurité dynamique ou la relation positive qui réaffirment la mission d'insertion du personnel de surveillance ne sont également pas mentionnées. Une réécriture de l'article L. 113-4 relatif aux missions et attributions des personnels de surveillance permettrait de les intégrer, d'autant que cette disposition met l'accent sur l'individualisation des peines et la réinsertion. Cela valoriserait considérablement les missions des personnels du corps d'encadrement et d'application, au-delà des seuls enjeux sécuritaires.

Par ailleurs, les missions de l'administration pénitentiaire dans le cadre de la mise en œuvre des mesures de justice restaurative pourraient être précisées et développées dans la partie réglementaire.

Enfin, dans l'hypothèse où la composition pénitentiaire – alternative au passage en commission de discipline – actuellement expérimentée par certaines directions interrégionales des services pénitentiaires dont celle de Paris serait amenée à se généraliser, sa codification, aux fins de sécurité juridique, sera indispensable.

 

Par Éric Paillisse

© Lefebvre Dalloz