Dutreil : ne pas confondre l’activité de marchand de biens et celle de gestion patrimoniale
L’exonération partielle prévue à l’article 787 B du CGI est remise en cause si l’activité commerciale de marchand de biens de la société dont les titres sont transmis correspond en réalité à une activité exclusivement civile de gestion de patrimoine. Rappel et illustration.
Rappel du principe
Les titres de société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale faisant l’objet d’un engagement collectif de conservation pris par le défunt ou le donateur peuvent bénéficier lors de leur transmission à titre gratuit d’une exonération de droits de mutation à concurrence de 75 % de leur valeur (CGI art. 787 B).
Les faits
Un couple donne à ses enfants des titres de plusieurs sociétés et revendique le bénéfice de l’exonération partielle Dutreil prévue à l’article 787 B du CGI considérant que les sociétés exercent une activité commerciale de marchand de biens. Remise en cause par l’administration fiscale qui retient notamment le financement à long terme des immeubles ainsi que l’absence de revente pour considérer que l’activité exercée serait exclusivement civile.
La cour d’appel de Paris confirme. Les juges relèvent que, sur dix-neuf opérations, seules cinq ont été réalisées entre 2004 et 2013 : quatre au profit de membres de la famille des associés, la cinquième opération étant relative à un bien ayant toujours figuré à l’actif immobilisé de la société depuis son acquisition, quatorze ans avant sa vente. Ces opérations démontrent le caractère patrimonial de la société et ne peuvent pas qualifier la notion d’habitude qui caractérise les opérations commerciales réalisées par les sociétés exerçant une activité de marchand de biens. Par ailleurs, les nombreuses ventes réalisées par l’une des sociétés entre 1999 et 2003 l’ont été au profit d’une société sœur qui a inscrit les immeubles acquis à son actif immobilisé, ce qui relève également d’une activité patrimoniale.
En l’absence de revente des biens et de caractère habituel des opérations, les sociétés dont les titres sont transmis n’exercent pas d’activité commerciale au jour des donations de sorte que l’exonération prévue à l’article 787 B du CGI ne peut pas s’appliquer.
À noter
Cet arrêt constitue un utile rappel pour les praticiens qui sont tenus, au titre de leur devoir de conseil, de vérifier qu’au jour de la transmission, l’activité exercée par la société dont les titres sont transmis est une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale. Rappelons également que l’administration exige que cette activité soit exercée pendant toute la durée des engagements collectif ou unilatéral puis individuels de conservation (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 no 25).
Les contribuables estimaient par ailleurs que le droit de reprise de l’administration était prescrit à l’issue de la période triennale suivant la date de la donation, argument invalidé par les juges. Ces derniers rappellent que, l’administration ayant dû procéder à des recherches pour vérifier l’exactitude des déclarations faites par les contribuables quant à leur éligibilité au dispositif Dutreil, la prescription abrégée prévue à l’article L 186 du LPF est écartée.
Source : CA Paris 21-2-2022 n° 20/08155
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