Conséquence du recours systématiques aux heures « sup ».
Quel risque encourt l’employeur à faire accomplir de façon systématique par ses salariés des heures supplémentaires, augmentant ainsi leur durée hebdomadaire de travail ? Voici ce qu’en pense le juge.
Accomplir des heures supplémentaires
Dans le cadre de son pouvoir de direction, l’employeur peut exiger de ses salariés qu’ils accomplissent des heures supplémentaires en raison des besoins de l’activité, à condition que celles-ci soient réalisées dans le respect de la réglementation sur la durée du travail (durées maximales du travail, repos quotidien et hebdomadaire, etc).
La Cour de cassation considère que les heures supplémentaires imposées par l’employeur, dans la limite du contingent dont il dispose légalement et en raison des nécessités de l’entreprise, n’entraînent pas modification du contrat de travail (Cass. soc. 9-3-1999 n° 96-43718).
Le salarié peut-il refuser d’effectuer les heures supplémentaires qui lui sont demandées par son employeur ? Non, sauf si l’employeur ne respecte pas la réglementation applicable en la matière.
La réalisation d’heures supplémentaires relève du pouvoir de direction de l’employeur. Ainsi, le refus du salarié de les effectuer, sans motif légitime, constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement, voire même un licenciement pour faute grave : s’agissant d’un salarié qui refusait, sans motif légitime, d’accomplir, à titre exceptionnel, des heures supplémentaires, dans la limite du contingent annuel d’heures supplémentaires, pour effectuer un travail urgent ; son refus ayant perturbé le bon fonctionnement de l’entreprise rendait impossible son maintien dans l’entreprise pendant la durée du préavis et constituait une faute grave (Cass. soc. 26-11-2003 n° 01-43140).
Limites au pouvoir de l’employeur
Le pouvoir de l’employeur d’imposer des heures supplémentaires a cependant une limite, comme en témoignent une affaire jugée récemment (Cass. soc. 8-9-2021 n° 19-16908). Un employeur imposait à un salarié ayant la qualité de peintre d’effectuer 50 minutes supplémentaires par jour, ce qui portait sa durée du travail à 39 heures, au lieu des 35 heures prévues par son contrat de travail. Le salarié a refusé et quitté son travail à l’heure initialement convenue. Après trois avertissements et une mise à pied disciplinaire de deux jours, le salarié a été licencié pour faute grave, l’employeur lui reprochant de ne pas respecter l’horaire collectif de travail.
En appel, le licenciement du salarié a été jugé sans cause réelle sérieuse et l’employeur a été condamné au paiement de diverses sommes dont une indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Les juges ont considéré que le recours systématique à des heures supplémentaires avait modifié le contrat de travail du salarié en portant sa durée du travail de 35 heures à 39 heures. À défaut d’accord exprès du salarié, le fait de quitter son travail à l’horaire 50 minutes plus tôt ne caractérisait pas une inexécution fautive de sa prestation de travail.
Décision confirmée par la Cour de cassation. La cour de cassation a déclaré que le recours systématique à des heures supplémentaires portait la durée du travail du salarié de 35 heures à 39 heures. Le caractère systématique de ce recours modifiant le contrat de travail du salarié, la société ne pouvait valablement augmenter la durée hebdomadaire de travail du salarié qu’avec son accord exprès. En conséquence, le refus de cette modification par le salarié n’était pas fautif. Il était en droit de refuser cette modification qui nécessitait son accord.
Cass. soc. 8-9-2021 n° 19-16908
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