Communication électronique en matière pénale: précisions

Dans deux arrêts rendus le 23 février 2022, la Cour de cassation apporte des précisions utiles quant aux modalités concrètes de la communication électronique en matière pénale

La crise sanitaire a accéléré la communication électronique en matière pénale, notamment, grâce au lancement de la plateforme PLEX et à son déploiement par la conclusion de la convention entre le CNB et le ministère de la Justice, le 5 février 2021. Cette mise en place nécessite quelques accommodements et précisions jurisprudentielles et, selon toute vraisemblance, donnera lieu à quelques arrêts dans les mois à venir (v. pour une décision récente, Crim. 12 janv. 2022, n° 21-86.075, Dalloz actualité, 10 févr. 2022, obs. H. Diaz).

Rappelons, au préalable, que les articles D. 591 (concernant la communication avec le juge d'instruction) et D. 592 (concernant la communication avec la chambre de l'instruction) du code de procédure pénale listent, de façon limitative, les demandes et communications qui peuvent être faites par l'avocat de façon dématérialisée.

Parmi ces actes, figure la communication des mémoires au greffe de la chambre de l'instruction prévue par l'article 198 du code de procédure pénale et qui était au cœur des deux arrêts commentés.

Le premier arrêt répond à une question simple mais, en pratique, fondamentale : le mémoire doit-il être signé de la main de l'avocat ?

En matière civile (C. pr. civ., art. 748-6) et administrative (CE 16 févr. 2015, n° 371476 B, Lebon ; AJDA 2015. 1300 ), l'identification par e-barreau ou Télérecours vaut signature. Cette position est, pour le moins, cohérente car les procédés techniques utilisés ont justement, pour objectif, de garantir la fiabilité de l'identification des parties.

Jusqu'à présent, néanmoins, la matière pénale faisait exception.

Dans un arrêt vivement critiqué, la chambre criminelle avait, en effet, indiqué qu'« il se déduit de l'article 198 du code de procédure pénale, auquel aucune disposition légale ne déroge, que le mémoire doit être revêtu d'une signature, le demandeur ne pouvant se faire grief de cette exigence destinée à garantir l'authenticité de l'acte » (Crim. 21 sept. 2016, n° 16-82.635, AJ pénal 2017. 86, obs. P. de Combles de Nayves ).

Cette position avait conduit à préconiser à l'avocat d'apposer sa signature sur l'acte transmis via la messagerie sécurisée (v. Crim. 12 janv. 2022, n° 21-86.075, Dalloz actualité, 10 févr. 2022, obs. H. Diaz).

L'arrêt commenté vient rompre avec cette jurisprudence qui, de fait, était à rebours du développement de la communication électronique.

Pour justifier ce revirement, la Cour de cassation n'est pas avare d'explications. Elle indique, en effet, que « le dépôt d'un mémoire par voie électronique par un avocat suppose pour ce dernier, d'une part, l'obtention d'un code unique et personnel d'accès au réseau privé virtuel des avocats (RPVA), d'autre part, la création d'une adresse selon un format standardisé ce qui garantit l'authenticité des courriels émanant de cette boite dédiée à la communication électronique avec les juridictions et des pièces qui peuvent y être jointes. »

Ainsi, poursuit-elle, « l'identité de l'auteur des documents transmis selon ces modalités est établie par l'identification à laquelle l'avocat a nécessairement dû procéder afin de se connecter à son adresse sécurisée et effectuer l'envoi. »

La conséquence est attendue : « il n'est plus possible de considérer qu'un doute existe sur l'authenticité d'un mémoire non signée manuscritement dès lors qu'il est transmis à la chambre de l'instruction selon les modalités précitées. »

Or, si la signature était jusqu'à présent exigée, c'était dans l'unique but de garantie l'authenticité de l'acte (Crim. 13 janv. 2021, n° 20-80.511, D. 2021. 81 ; AJ pénal 2021. 158, obs. K. Mariat ; ibid. 105 et les obs. ). Était d'ailleurs recevable un mémoire non signé mais accompagné d'une lettre signée de l'avocat ne laissant pas de doute sur son authenticité (Crim. 8 nov. 2000, n° 00-81.644, D. 2001. 181, et les obs. ).

Cette solution favorisera la communication électronique en matière pénale et établit une heureuse cohérence processuelle en unifiant les positions civile, administrative et pénale.

Si donc un tel mémoire est recevable, encore faut-il qu'il soit visé à temps.

Tel est le second enseignement porté par l'arrêt rendu le même jour par la chambre criminelle. Dans cette espèce, le mémoire avait été adressé au greffe de la chambre de l'instruction, la veille de l'audience, mais parvenu, selon l'accusé de réception électronique, à 17h31, après la fermeture du service.

Il n'avait été visé par le greffier que le lendemain.

La chambre de l'instruction, dont la solution est validée par la haute cour, avait déclaré irrecevable le mémoire au motif qu'il était parvenu au greffe la veille de l'audience après la fermeture. La Cour précise, à cet égard, que l'accusé de réception électronique ne remplace pas le visa du mémoire du greffier exigé par l'article 198 du code de procédure pénale.

Au temps du fax, il avait été jugé que, pour apprécier si un mémoire a été reçu dans le temps, il fallait tenir compte, non du moment de la réception enregistré par la télécopieur mais du visa du greffier (Crim. 11 déc. 1990, n° 90-85.849 P, D. 1992. 98 , obs. J. Pradel ).

Dans le prolongement de cette jurisprudence et au temps des mails, pour apprécier si un mémoire est reçu dans les temps, il faut donc tenir compte, non de l'accusé de réception électronique, mais du visa du greffier.

 

Par Lucile Priou-Alibert

Crim. 23 févr. 2022, FS-P, n° 21-86.897Crim. 23 févr. 2022, FS-P, n° 21-86.762.

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