Appréciation de la disproportion d’un cautionnement avec la fiche patrimoniale de la caution
Même si la fiche de renseignements établie par la caution comporte des anomalies, la banque n’est pas tenue de vérifier l’exactitude des autres éléments de la fiche qui, apparemment exacts, permettaient de considérer que l’engagement était proportionné aux biens et revenus de la caution.
Le gérant d’une société qui s’est porté caution d’un crédit consenti à celle-ci par une banque invoque la disproportion de son engagement (C. consom. ex-art. L 332-1) pour demander à en être déchargé ; il fait valoir que la fiche de renseignements relative à ses revenus et charges annuels et à son patrimoine qu’il a établie avant d’accorder sa garantie présentait des anomalies apparentes pour la banque (deux sociétés dont il était associé étaient surévaluées alors qu’elles étaient gravement endettées) et que les juges auraient dû vérifier la réalité de son patrimoine.
Sa demande est rejetée. En effet :
- le gérant avait certifié l’exactitude des renseignements mentionnés dans la fiche patrimoniale ;
- même en faisant abstraction de certains éléments du patrimoine (sommes indiquées au titre des participations dans le capital des deux sociétés et sommes inscrites en compte courant d’associé dans les livres de ces sociétés), l’engagement du gérant, souscrit à hauteur de 360 000 €, ne présentait aucun caractère excessif au regard des valeurs déclarées au titre de ses autres biens (immeuble, contrat d’assurance-vie, portefeuille boursier et dépôts sur différents comptes bancaires), d’un montant de 980 000 €.
Il s’en déduisait que ceux des éléments figurant dans la fiche de renseignements qui n’étaient affectés d’aucune anomalie apparente permettaient de considérer que l’engagement souscrit n’était pas disproportionné aux biens et revenus de la caution et que la banque n’était donc pas tenue de vérifier l’exactitude des sommes mentionnées dans la fiche.
À noter
L’ancien article L 332-1 du Code de la consommation, applicable jusqu’au 1er janvier 2022, imposait à l’établissement prêteur de s’enquérir de la situation financière et patrimoniale de la caution (Cass. com. 20-4-2017 no 15-16.184). Les banques font habituellement remplir à la caution une fiche de renseignements qui, en cas de contestation ultérieure, leur permet de prouver qu’elles ont satisfait à cette obligation.
La banque n’a pas pour autant l’obligation de vérifier l’exactitude et l’exhaustivité des informations transmises par la caution (notamment, Cass. com. 14-12-2010 no 09-69.807 ; Cass. com. 27-9-2017 no 15-24.726). En d’autres termes, la banque peut se fier aux informations communiquées par la caution (Cass. com. 10-3-2015 no 13-15.867). En conséquence, la caution n’est pas admise à prouver, devant le juge, que sa situation financière était en réalité moins favorable que celle qu’elle a déclarée à la banque (cf. Cass. com. 20-4-2017 no 15-16.184 précité lui interdisant d’invoquer un prêt non déclaré ; aussi, Cass. com. 8-3-2017 no 15-20.236).
Il est cependant fait exception à ces principes lorsque :
- la déclaration patrimoniale de la caution comporte une anomalie apparente (Cass. com. 20-9-2017 no 16-11.057) ;
- le créancier professionnel avait connaissance ou aurait dû avoir connaissance de l’existence d’autres charges pesant sur la caution que celles déclarées sur la fiche de renseignements (Cass. com. 27-5-2014 no 13-17.287 ; Cass. com. 8-1-2020 no 18-19.528) ;
- la déclaration de patrimoine et de revenus effectuée par la caution est trop ancienne par rapport à la date de souscription du cautionnement (Cass. com. 3-5-2016 no 14-25.820 ; Cass. com. 17-5-2017 no 15-19.018) ;
- la fiche patrimoniale n’est pas signée par la caution (Cass. com. 29-9-2021 no 20-14.660).
Depuis le 1er janvier 2022, un texte unique, l’article 2300 du Code civil, sanctionne l’exigence par un créancier d’un cautionnement disproportionné. Il ne prévoit plus une décharge totale de la caution, mais une réduction du cautionnement au montant à hauteur duquel la caution pouvait s’engager à la date où elle s’est engagée. La solution dégagée par l’arrêt commenté est transposable à ce nouveau régime.
Cass. com. 21-9-2022 n° 21-12.218
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