Adoption de l’enfant au sein d’un couple de femmes en cours de séparation
Dans l’arrêt rapporté, la Cour de cassation se penche sur la date d’appréciation des conditions de l’adoption de l’enfant par la conjointe de la mère et sur la portée du consentement donné à l’adoption par cette dernière. Le litige trouvait son origine avant l’entrée en vigueur de la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique.
Un enfant naît en janvier 2016, au sein d’un couple de femmes mariées, par assistance médicale à la procréation (AMP) avec tiers donneur. Seule la filiation de celle qui a accouché est alors établie. La mère consent par acte notarié à l’adoption plénière de l’enfant par sa conjointe et une procédure d’adoption est engagée. Toutefois, en cours de procédure, une requête en divorce est introduite et la mère rétracte son consentement à l’adoption. De son côté, sa conjointe retire sa demande en adoption et son désistement de l’instance est constaté. Néanmoins, elle forme par la suite une nouvelle demande d’adoption plénière tandis que la procédure de divorce se poursuit en appel. La cour d’appel prononce l’adoption au motif que le consentement, n’ayant pas été rétracté dans les temps, reste valide et qu’au jour du dépôt de la requête en adoption en cause d’appel, le couple était toujours uni par les liens du mariage. La mère forme alors un pourvoi en cassation, qui est rejeté.
La Cour de cassation précise que le consentement, requis d’un parent, pour que le juge autorise l’adoption plénière intrafamiliale d’un enfant peut être rétracté pendant deux mois. Au-delà de ce délai, le consentement ne comporte ensuite aucune limite temporelle ni ne se rattache à une instance particulière. La haute juridiction vient ensuite substituer un motif de pur droit à celui de la cour d’appel qui, pour faire droit à la demande, avait retenu la date du dépôt de la requête, alors qu’il convient de se placer à la date à laquelle le juge se prononce : dès lors que l’appel dans la procédure de divorce était pendant au moment où la cour d’appel a statué à propos de l’adoption, les deux femmes étaient encore unies par les liens du mariage et les conditions légales de l’adoption de l’enfant de la conjointe étaient ainsi remplies.
On le voit, une séparation intervenue peu de temps après la naissance de l’enfant peut donc remettre en cause l’établissement du second lien de filiation au sein des couples de femmes ayant eu recours à l’AMP. À moins de se tourner vers les nouveaux dispositifs de droit transitoire issus de la loi de 2021…
Civ. 1re, 11 mai 2023, n° 21-17.737
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